• La Rumeur en Procès...Mardi 3 Juin





    Le nouveau procès en appel intenté par le ministère de l'intérieur contre Hamé aura finalement lieu le mardi 3 juin à 14h devant la Cour d'appel de Versailles.

    LA RUMEUR : http://www.la-rumeur.com/

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    La Rumeur injecte une parole engagée là ou le rap a mal : colonisation, immmigration, discours sécuritaire et raciste, bavures policères...Réformistes à la ATTAC ou anticapitalistes révolutionnaires ? Il se définissent comme « enfants de quartiers populaires, issus de l'immigration, dans la France post - coloniale de 2005 ». Hamé rejoint par Ekoué se racontent à quelques lecteurs de Regards.

    Arnaud Lopez :
    Vous étiez au 50eme anniversaire du Monde Diplomatique. Alors, réformistes à la ATTAC ou anticapitalistes révolutionnaires ? Comment qualifieriez-vous votre engagement politique ?

    Hamé :
    On essaie de faire en sorte que notre pratique soit à la hauteur de notre discours, et réciproquement avec nos petits bras et nos petites têtes. Mais on ne prétend pas donner des leçons politiques. On se contente de donner une vision de notre environnement direct de la société en général, à partir de l'endroit où on se trouve : enfants de quartiers populaires, issus de l'immigration, dans la France post - coloniale de 2005. Nos sensibilités politiques sont tiers-mondistes et anti-impérialistes. C'est cohérent avec notre histoire. Nos familles sont le témoignage vivant de ce qu'ont été les guerres de libération, l'immigration, les luttes sociales, et ouvrières des années 1970 dans les usines comme Renault. La matière sur laquelle on essaie de travailler, c'est l'histoire dont on hérite à l'échelle intime ou collective. Nos partis pris ne sont pas le fruit d'un savoir livresque, ils portent la marque de notre vécu. De l'injustice lisible dans le regard de son daron quand il se trouve au chômage après trente-cinq ans de travail ouvrier, dans les yeux de son petit frère qui quitte le système scolaire à 16 ans sans aucun diplôme, ayant tout juste eu le temps d'apprendre qu'il ne valait rien. Pourquoi est ce toujours les mêmes qui morflent et paient l'addition ? On tente de retranscrire nos interrogation à travers des outils esthétiques : les mots et le hip-hop. Je n'ai aucune affinité avec les partis politiques traditionnels, fussent-ils d'extrême gauche. Mon expérience militantes dans des petites associations étudiantes à la fac de Nanterre ou de la Sorbonne qui m'a beaucoup déçu. J'ai un vrai problème avec la tradition paternaliste qui a le cuir épais. On la retrouve même chez ceux qui sont censés exprimer les intérêts des couches populaires.

    Rachid Boulemsamer : Un des chanteurs  du groupe dit : « On me demande d'aller voter et oublier toute forme de  révolte. » Quelle est votre position par rapport au jeu électorale ?

    Hamé :
    Je n'ai jamais voté, ni personne dans le groupe. J'ai ma carte électeur, je me suis inscrit sur les listes mais je ne me suis jamais déplacé. Pas même en 2002. C'est ni bien ni mal, c'est un fait. Notre bulletin de vote, c'est ce qu'on essaie de construire. Je n'en fais pas une théorie mais je trouve un peu légers les discours citoyens. Comme si on pouvait rien imaginer en dehors des urnes ! La tendance à culpabiliser les absentéistes depuis le 21 avril 2002 m'énerve. Ce serait à cause d'eux que Le Pen serait arrivé au second tour ! Je m'abstiens. Je ne sais pas si c'est par conviction mais en tout cas, je le fais en toute conscience. La politique, au sens noble du terme, nous intéresse beaucoup. Je pense même que des cours d'instruction politique à l'école, ou ailleurs, sont de première nécessité. C'est un outil indispensable pour tout individu qui souhaite  décrypter ce qui l'entoure, comprendre à qui profite le crime et à quelle sauce on veut le bouffer, choper le virus de la critique et du doute, gratter, se situer et pourquoi changer les choses. Mais ça, ce n'est possible à une poignée.

    Camille Plagnet : Le rap insiste beaucoup sur la révolte, à ne pas confondre avec la révolution. Il joue sur une ambiguité...

    Hamé :
    C'est déjà pas mal d'exprimer une révolte. C'est même plutôt sain. Un jeune révolté, aujourd'hui, c'est quelqu'un qui possède une bonne santé mentale. Ceux qui sont résignés ou aigris, se contentent des rêves qu'on leur sert à longueur d'onde de TF1, sont dans un état préoccupant. Après, il existe mille manières de terroriser. Le fait de sublimer sa colère, en créant, c'est déjà mettre à distance l'objet de cette révolte et être en mesure d'agir un minimum sur sa vie et ses astreintes.

    Noémie Valin : Le ministère de l'Intérieur a tenté un procès contre vous pour « diffamation publique envers la police nationale ». Vous êtes relaxés...

    [Hamé a comparu le 12 novembre 2004, au tribunal de grande instance de Paris pour avoir dénoncé dans La Rumeur Magazine « les humiliations policières régulières » infligées aux jeunes de banlieue et écrit que « les rapports du ministère de l'Intérieur ne feront jamais état des centaines de nos frères abattus par les forces de police sans qu'aucun des assassins n'ait été inquiété ».]

    Hamé :
    La décision de la juge qui nous a relaxés tenait à la valeur des éléments que nous avons fournis, prouvant que des centaines de frères se sont assassiner par les forces de l'ordre sans qu'aucun des assassins n'ait été inquiété. Avant les procès en appel, on était en passe de créer une jurisprudence. Le système enterre deux fois la victime. Une 1ere, par la mort, une seconde par l'oubli judicaire, le non lieu, l'acquittement. C'est scandaleux. Et ça veut dire quoi ? Que la peau d'un Noir ou d'un Arabe ne vaut pas celle d'un individu lambda dans ce pays ? Cette situation fait étrangement écho à des réalités que nos grands-parents ont connues. La police est une chose et son usage politique en est une autre. Quelles missions lui sont confiées ? Je ne parle pas des proclamations hypocrites sur les frontons des édifices. Garantir la sécurité, la liberté et l'égalité des citoyens, c'est du pipeau. La police ne sert pas à ça. On sait que c'est une arme et entre quelles mains elle se trouve. Ce débat soulève un énorme tabou. A notre échelle, on a mis le doigt dessus. Le fait d'avoir été relaxés une première fois prouve que notre manière de problématiser la question est audible si elle est appuyée d'arguments, de témoignages probants, de mises en perspective, d'éclairages sociologiques, historiques, militants et politiques.

    (Pris dans Numéro Spécial Mai 08 - Regards)

    Son : "Les Bronzés font du Rap" -  Du Coeur à l'Outrage.


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